Quels sont les défis à relever pour penser le post-humain?

Cofondateur en 1998 de la World Transhumanist Association (actuelle Humanity+) puis de l’Institut d’éthique pour les technologies émergentes, le philosophe suédois Nick Bostrom interroge en 2003 les valeurs nécessaires à l’établissement du projet posthumaniste.

Celles-ci doivent permettre de l’explorer « sans causer de dommages irréparables au tissu social ni l’exposer à des risques inacceptables ». Le transhumanisme puis le posthumanisme créeront de nouvelles valeurs humaines, il est donc essentiel de partir d’un socle bien établi. De plus, les outils classiques d’exploration de nos valeurs, « de basse technologie », que ce soit l’éducation, la philosophie, la méditation, et leurs objectifs de se perfectionner ou de créer une société meilleure et plus juste, seront dépassés par les technologies avancées du transhumain, estime Bostrom. À la valeur première de se donner les chances d’explorer les champs du transhumain et du posthumain, le philosophe ajoute:

• la sécurité totale : en aucun cas les choix exploratoires ne doivent entraîner de risque sur l’existence de notre espèce, ou abîmer son potentiel de développement
• le progrès technologique : c’est lui qui permet l’émergence des avancées transhumaines, il va de pair avec et découle de la croissance économique et de la productivité.
• l’accès à tous : le projet posthumain ne doit pas être exploré par quelques élus, mais accessible à tous. Une certaine urgence morale implique également que cet accès soit rendu possible dans le temps d’une génération.

posthumanisme
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Ces quatre valeurs cardinales étant posées, Bostrom en ajoute une dizaine qui en émanent. Il s’agit d’une liste, non exhaustive, qui permet de mettre le projet transhumaniste en pratique. Parmi elles : le libre choix d’explorer telle ou telle voie, sans devoir se conformer à une norme, sans risque de se voir opposer des normes morales ; l’absolue nécessité de faire ses choix en étant informé, et donc formé, par le biais de recherches collectives, de débats, ou sur le plan individuel de techniques avancées pour comprendre et choisir ; la nécessité de règlements mondiaux, de coopération internationale, de paix globale, de disparition des armes de destruction massive ; le respect et la tolérance généralisées, de toutes les intelligences, les humains, les animaux, les êtres artificiels ; le respect de la diversité, celle des espèces et celle des choix de vie ; l’impérative nécessité de prendre soin de la vie et de sauver les vies.

Dix ans plus tard, lors du forum international de Davos en 2015, les participants réunis autour des grands défis et des technologies émergentes, soulignent à leur tour trois valeurs, individuelles et collectives, à développer.

• l’empathie : la capacité à comprendre ce que l’autre ressent, essentielle dans une société de la diversité qui veut assurer sa cohésion. Les technologies avancées doivent aider à la fois à maîtriser ces émotions qu’elles rendront encore plus accessibles, et à libérer du temps aux humains pour qu’ils se concentrent sur ces activités d’empathie.
• le choix personnel : les humains doivent pouvoir déterminer par eux-même leurs choix d’amélioration. Par exemple un nouveau- né doit naître vierge de technologies, car il ignore le droit qu’il a de choisir pour lui-même. Chacun doit de même pouvoir choisir le travail qui lui convient.
• la responsabilité : qu’elle soit collective ou individuelle. Les risques qui pèsent sur notre environnement, par exemple, ne permettent plus de se défausser sur les autres. Les technologies peuvent nous aider à éclairer nos choix, à comprendre en temps réel l’impact de nos décisions.

L’heure est à la réflexion sur une plus large dissémination de ces idées, comme en témoignent les sujets traités lors d’une conférence en mars 2015 dans la Silicon Valley, qui en soulignait le caractère d’urgence: Quels sont les objectifs du projet transhumain à court terme ? De quelle manière atteindre le grand public et placer ces idées au coeur des débats ? De quelle manière s’installer dans le milieu politique ? Comment les idées et innovations transhumanistes peuventelles créer un monde meilleur dès aujourd’hui, pour des milliards de personnes sur Terre ?

Et s’il est un sujet qui soulève de nombreuses questions aujourd’hui, c’est bien celui de l’intelligence artificielle, une IA non maîtrisée, devenue folle ou hostile, comme l’imaginait Nick Bostrom avec son IA spécialiste de la fabrication des trombones qui transforme la planète entière en usine à trombones. Stuart Russel, fondateur du Center for Intelligent Systems à l’Université de Californie, Berkeley, est à l’initiative en janvier 2015 de la lettre ouverte sur les risques liés aux IA signée depuis par plus de 300 personnalités. Il ne faut cependant pas voir cette lettre comme un appel à freiner brusquement toute recherche dans le champ de l’IA. Russel explique également comment les algorithmes d’apprentissage doivent être pensés pour apprendre les valeurs des humains et non pas créer leur propre référentiel. Les fonds collectés à cette occasion sont d’ailleurs destinés à travailler sur des IA bénéfiques pour les humains, dont les algorithmes sont pensés non pas pour les aliéner ou leur faire perdre leur libre arbitre, mais pour les assister dans leur quête d’amélioration. Cette question des algorithmes, leur fonctionnement, leur impact, doit être expliquée et enseignée dès le plus jeune âge, mais également dans les générations actuelles qui ne l’ont pas encore comprise. Résumée par la formule « programmer ou être programmé », la prise de conscience qu’il faut maîtriser ces algorithmes pourra faciliter une exploration conjointe, homme / machine, des connaissances. Andrew Ng (Coursera, Google Brain, Baidu…) estime ainsi que les processus de deep learning actuellement en pointe en IA qui sont fortement consommateurs de données, doivent inspirer les humains qui devraient, eux aussi, dans une logique d’extreme learning, assimiler tout au long de leur vie ces connaissances fondées sur les données, et faire évoluer leurs capacités d’apprentissage en regard.

Un défi technique

Les capteurs et les objets de l’Internet, qu’ils soient dans le corps, sur le corps ou à distance, portent plusieurs défis à relever. Le premier est de créer des capteurs donnant accès à de nouvelles grandeurs physiques, notamment pour permettre la création de nouveaux sens. Qu’allons-nous pouvoir faire, par exemple, une fois que nous aurons l’extrême sensibilité aux sons et aux vibrations des araignées ?

Le deuxième défi est celui de l’intégration des machines à nos cerveaux. Jusqu’à maintenant les interactions en entrée avec le cerveau se font en mode intrusif, mais il est à présent possible également de stimuler à travers la peau crânienne des aires précises du cerveau et influencer sur l’humeur de l’utilisateur. De tels dispositifs seront utiles avant que ne se développent des nanocapteurs et nanoactuateurs capables d’agir sur des groupes de neurones spécifiques.

Le troisième défi est celui de l’intégration de tous ces capteurs entre eux, le système nerveux de l’Internet des objets. Il s’agit notamment de la 5G, avec comme premiers cas d’usages les voitures connectées et autonomes, et la télémédecine. Dans les allées du congrès mobile de Barcelone en mars 2015, il se disait deux choses : que l’Europe allait à nouveau être en retard et qu’il allait falloir lâcher du lest sur la neutralité du net.

Anthropologie de la robotique

À Télécom École de Management, Gérard Dubey analyse les relations entre l’homme et le robot et interroge les défis anthropologiques de la robotique personnelle. Avant le développement de ces « objets » à l’échelle industrielle, de nombreux défis aussi bien pratiques qu’épistémologiques sont soulevés. Ils doivent en effet agir à proximité d’êtres humains, dans leur environnement quotidien et personnel. Chacun étant différent, chaque pathologie étant différente, les robots d’assistance doivent être éminemment flexibles pour s’adapter à toutes les situations humaines possibles. Le sociologue s’est également intéressé aux représentations du robot anthropomorphe à travers la série télévisée Real Humans.

Un défi éthique

Le débat éthique est au coeur des réflexions sur l’Homme augmenté. Il se pourrait même que l’éthique soit un des points qui ne puisse être délégué aux machines et soit notre part d’humanité. Pour Laurent Alexandre, « aujourd’hui, il faut miser sur une grande culture générale et une grande culture éthique. Elles vont devenir fondamentales dans le monde qui vient. Si le droit est assez automatisable, le gisement d’emplois sur la réflexion éthique ne l’est pas. »

C’est d’ailleurs par la médecine d’abord que les réflexions éthiques arrivent. Le docteur Bertalan Meskó, auteur d’un récent guide du futur de la médecine, fait la liste des questions éthiques soulevées par les technologies de rupture. Il en envisage déjà dix : le risque de piratage des dispositifs médicaux ; la défense de notre vie privée et de celle des autres ; la valeur des tests et analyses faits à la maison ; les demandes de personnes saines souhaitant remplacer des parties d’eux-même ; les différences biologiques fondées sur des capacités financières différentes de leurs porteurs ; le bioterrorisme et le nanoterrorisme ; le décalage entre les avancées technologiques de la médecine qu’on voit dans les medias et ce qu’il est possible de faire effectivement dans l’hôpital de quartier ; la question même du transhumanisme ou du posthumanisme, philosophies difficiles à appréhender et qu’il faut prendre le temps d’analyser ; la sexualité devenue objet technologique.

Explorateurs du posthumain

La condition transhumaine ne relève pas d’une transcendance de l’être humain, mais concerne son devenir non téléologique, dans un processus immanent de dérégulation anthropologique.

Les grands acteurs de l’Internet ont pris plusieurs longueurs d’avance en ayant accès aux données de nos comportements. Dans un pays comme la France où la culture verticale est encore très présente, où les transformations dans les entreprises sont longues à mettre en place, le rattrapage d’innovation viendra plus des startups que des grands groupes, mais peutêtre qu’il ne viendra pas uniquement d’une surenchère dans les technologies. Les racines des Lumières doivent nous rappeler que nous devons nous concentrer d’abord sur l’humanité. Que l’objectif n’est pas de construire des stratégies numériques, mais de construire des stratégies dans un monde numérique. Il faut prendre un nécessaire recul pour envisager le panorama dans sa globalité, dans ses transversalités, dans ses transdisciplinarités, et dépasser tous les clivages. Entrepreneurs, chercheurs, penseurs, politiques, citoyens tous ensemble pour retrouver une capacité à penser le monde avec une vision haute.

Joël de Rosnay, scientifique et prospectiviste, écrit depuis longtemps sur l’Homme symbiotique, et sur un macro-organisme planétaire qu’il nomme le Cybionte, produit du mariage de la cybernétique et de la biologie. Pour lui, le transhumanisme tel qu’il se révèle actuellement relève d’une démarche élitiste, égoïste et narcissique. Il lui préfère une autre voie qu’il appelle l’hyperhumanisme, une voie qui permet « la symbiose intégrée et collective avec les machines ». Selon cette approche, ce sont les valeurs et les caractères humains qui seront augmentés et « encore plus humains que ne l’a produit l’évolution ». En faisant disparaître la compétition, la concurrence, et les autres mécanismes qui ont poussé l’humanité dans les méandres de l’individualisme, les technologies pour l’hyperhumain lui permettront de développer des dimensions aujourd’hui inhibées, comme la coopération, le partage, le respect, la solidarité, la fraternité, l’empathie, l’altruisme, autant de valeurs qu’on retrouve bien dans les textes fondateurs de Nick Bostrom.

Finalement, ce que trouvera l’Homme dans sa quête d’augmentation, s’il réussit, c’est se dépasser lui-même en tant qu’individu et accéder à une perception intime du collectif. Ce n’est ni plus ni moins l’émergence d’une conscience planétaire, Cybionte, Noosphère ou Gaïa. Francisco Varela, spécialiste s’il en est de l’émergence de la conscience, expliquait que le monde n’avait pas de couleur définie, animaux, et humains selon les époques, percevant le monde en trichromie, quadrichromie ou pentachromie. Tous les modes de perception sont utiles à la conscience pour comprendre le monde où elle s’incarne. C’est ce que nous devons faire à l’échelle collective pour comprendre le monde qui évolue avec nous, et lui donner tout son sens.

Un défi collectif

Projet éminemment transdisciplinaire, le transhumanisme est également un projet collectif pour l’Humanité qui doit rassembler chercheurs, entrepreneurs, penseurs, décideurs, citoyens…C’est également une chance unique, compte-tenu de la variété des disciplines convoquées, et une nécessité absolue, de donner une place égale aux femmes et aux hommes dans le débat et dans la recherche. Ce pourrait être une voie royale pour les femmes qui sont encore en minorité dans les acteurs en vue de l’ère numérique. On les trouve d’ailleurs aujourd’hui en pointe sur les questions de longévité et d’immortalité. Parmi les figures féminines du transhumanisme, se trouve ainsi Martine Rothblatt, transgenre et fondatrice de Sirius Satellite Radio et CEO de United Therapeutics, une entreprise de transplantation d’organes. Elle a créé une organisation à but non lucratif dédiée au chargement, espéré un jour, de l’esprit dans la machine. Aujourd’hui, cependant, les personnes ne peuvent que charger les activités qu’ils ont dans les réseaux sociaux.

Maria Konovalenko et Anna Kozlova poursuivent une autre voie vers l’immortalité, celle de préserver sa santé et son corps jusqu’à ce que des techniques futures permettent d’aller plus loin. Jeunes chercheuses en biologie et en chimie installées dans la Silicon Valley, elles lancent en mai 2015 une opération de financement participatif pour rédiger le Longevity Cookbook.

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